Dossier: La salle des antiquités romaines 2

La grande sculpture

Les textes publiés dans la rubrique «pédagogie» de ce blog proposent, entre autres, aux enseignants des pistes de travail permettant une (re)découverte de l’institution et de ses fonds. Dans cette perspective, nous consacrons le premier dossier à la salle des antiquités romaines, complètement rénovée il y a moins de deux ans. Ce deuxième article, consacré à la grande sculpture, fait suite à l’introduction des grands thèmes sur lesquels la présentation est construite. À suivre au mois de décembre, les portraits!

Les textes publiés dans la rubrique «pédagogie» de ce blog proposent, entre autres, aux enseignants des pistes de travail permettant une (re)découverte de l’institution et de ses fonds. Dans cette perspective, nous consacrons le premier dossier à la salle des antiquités romaines, complètement rénovée il y a moins de deux ans. Ce deuxième article, consacré à la grande sculpture, fait suite à l’introduction des grands thèmes sur lesquels la présentation est construite. À suivre au mois de décembre, les portraits!

La grande sculpture

Dans tout musée abritant des collections antiques, la grande sculpture occupe une place de choix. Le Musée d’art et d’histoire ne déroge pas à la règle. La statuaire jalonne le parcours des antiquités classiques et rythme par quelques œuvres majeures la section romaine. Elle offre ainsi plusieurs pistes de travail, dont certaines sont envisagées ici.

Les copies romaines

La sculpture en marbre est emblématique de l’Antiquité, par ses formes comme par ses sujets. Il est tout d’abord indispensable de souligner le rôle capital que les Romains ont joué dans la transmission de ces modèles. En effet, très tôt après la conquête de la Grèce, au IIe siècle avant J.-C., les œuvres d’art d’Athènes et des grands centres helléniques exercent à Rome une forte influence sur les goûts. En ce qui concerne plus particulièrement la sculpture, les chefs-d’œuvre des Phidias, Myron, Polyclète et autre Praxitèle inspirent immanquablement les artistes. En parallèle, des ateliers de copie se mettent rapidement à l’ouvrage et, pour certains, produisent en masse des répliques ou des adaptations de ces fameuses réalisations. En conséquence, la statuaire, d’abord sacrée et honorifique chez les Grecs, fait peu à peu son entrée dans le domaine privé, par exemple chez le riche Romain désirant orner son jardin de tel personnage mythologique; elle n’en demeure pas moins l’expression du prestige et de la magnificence de Rome et de ses élites.
Ces conditions expliquent qu’aujourd’hui, ce sont essentiellement les copies romaines d’œuvres grecques que les musées abritent, les originaux ayant souvent disparus! En dépit de cette perte irrémédiable, l’abondance des répliques présente d’indéniables avantages: non seulement différents musées peuvent exposer les mêmes modèles et en faire bénéficier le plus grand nombre, mais aussi, et surtout, en confrontant les diverses copies – naturellement fragmentaires – d’un même original, les archéologues peuvent reconstituer les archétypes, parfois intégralement.

Les sujets représentés

Une autre thématique fondamentale à aborder est évidemment celles des sujets représentés. Ils témoignent à plusieurs titres d’aspects primordiaux de la Romanité. Citons par exemple les représentations de divinités, pierres angulaires de la dévotion publique et privée. Notre institution en possède plusieurs exemples, à commencer par une statue de Sérapis, dieu emblématique du syncrétisme dont les Romains ont été les champions. À ses côtés, plusieurs divinités renvoient à d’autres formes de respect religieux. Sylvanus, déité liée aux forêts, compte parmi celles-ci, tout comme la Nymphe de Paranzano, déesse attachée aux sources. Si ces derniers signalent l’importance des liens avec la nature dont la religion romaine est pétrie, abondance et fertilité prennent substance dans la statuette de Priape. L’importance des éléments cosmiques est enfin magnifiquement incarnée par la figure de Luna, déesse éponyme.

Une sculpture romaine par excellence: Trajan représenté en Diomède

Trajan représenté en Diomède, auteur inconnu, Inv. 8938, © MAH, photo: B. Jacot-Descombes

Indépendamment des divinités, les figures mythologiques constituent l’une des premières sources d’inspiration des commanditaires et artistes de l’Antiquité. À cet égard, le Musée d’art et d’histoire conserve une pièce particulièrement emblématique de l’art romain. Cette statue, légèrement plus grande que nature, est composée d’un «amalgame»: le corps athlétique est la réplique du célèbre Diomède que sculpte Crésilas dans le troisième quart du Ve siècle avant J.-C. La tête, quant à elle, empreinte de réalisme, est un portrait de Trajan, qui règne sur l’empire de 98 à 117 après J.-C. Diomède est une importante figure mythologique du cycle légendaire de la guerre de Troie. Féroce combattant – il va jusqu’à blesser Aphrodite elle-même –, frère d’armes d’Achille, il est aussi celui qui, en compagnie du rusé Ulysse, dérobe la statuette d’Athéna, le Palladion, dans la cité de Troie. Il s’agit là d’une condition sine qua non pour que la ville tombe. C’était précisément ce rapt que la statue de Crésilas représentait: Diomède portait la célèbre effigie, adossée à son bras gauche. La légende raconte que Diomède, suite à ses pérégrinations après la victoire des Grecs, remit cette effigie à Enée, le fondateur légendaire de Rome. Et on peut aller plus loin: certains textes nous disent que le Palladion fait partie des objets sacrés conservés dans le Temple de Vesta, au centre de la Ville éternelle. Ces objets, au caractère assurément magique, étaient censés assurer le salut de Rome et de l’Empire. Voilà qui explique l’absence de l’effigie au bras de Trajan, sur notre statue. En effet, une idole telle que le Palladion ne pouvait apparaître aux yeux de tous, en vertu de sa nature sacrée. Son remplacement par un glaive montrerait que ce dernier veille à la conservation de l’effigie et, partant, au salut de l’empire. Tout porte ainsi à croire que, par la sculpture du Musée d’art et d’histoire, on a rendu hommage à Trajan, en faisant de lui un nouveau Diomède, qui plus est selon un célèbre modèle sculpté au Ve siècle avant J.-C., et en le représentant comme le premier protecteur de Rome.

La grande sculpture offre de nombreuses possibilités d’approches. D’autres pourraient être développées, comme celle de la provenance des différents marbres utilisés par les sculpteurs, celle des contextes de trouvaille identifiés pour certaines œuvres de la collection, ou celle, enfin, des liens entre ces représentations monumentales et celles qui figurent sur des documents bien plus petits, pierres gravées ou monnaies… À suivre !

 

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