Artiste-peintre et designer reconnu, Roger Pfund est un homme de cœur, qui entend partager son savoir avec la jeune génération et qui bénéficie d’une fidélité rare de la part de ses clients. Mais c’est aussi un homme engagé, sans concessions, qui revendique une grande liberté d’expression. À l’occasion de l’exposition Roger Pfund. Le multiple et le singulier présentée au Musée d’art et d’histoire du 22 mars au 11 août 2013, il se dévoile et fait le point sur cinquante ans de carrière.
Vous considérez-vous plutôt comme artiste ou plutôt comme graphiste?
Je suis tout à la fois peintre, graphiste et designer. Ces différents aspects sont interdépendants et fondateurs de mon travail. Je peins depuis toujours. Après avoir obtenu une maturité scientifique, j’ai complété mon cursus chez un graphiste bernois, Kurt Wirth, qui m’a initié à des domaines essentiels comme la typographie. La diversité de mon parcours a réellement été une valeur ajoutée tout au long de ma vie professionnelle.
Quel rôle joue la peinture dans votre travail?
La peinture m’amène une grande liberté d’expression et enrichit considérablement mon discours. Cet aspect séduit les clients car il est aussi un gage de créativité.
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Pourriez-vous décrire votre travail? A-t-il beaucoup évolué au fil des ans?
À l’origine, j’utilisais les pastels, la gouache, l’huile, le collage ou encore les crayons sur un support papier. Puis, quand j’ai gagné le mandat des billets de banque, j’ai adopté une nouvelle technique de gravure: la taille-douce. Depuis, je surimprime ma peinture avec celle-ci. Et il semble que je sois le seul à avoir adopté ce procédé.
Comment choisissez-vous les personnalités que vous représentez dans vos peintures?
Jusqu’en 1973, je pratiquais la peinture abstraite. Puis j’ai découvert un jour dans le quotidien Le Monde une très belle photo noir et blanc de Marcel Proust qui m’a donné envie de travailler sur ce portrait. Au début, c’est surtout l’aspect photographique qui m’a attiré. Mon intérêt s’est ensuite focalisé sur des personnalités au destin extraordinaire. Je me suis ainsi constitué une banque de données, très personnelle et intuitive, avec des artistes que je considère comme des icônes: Rimbaud, la Callas ou Nijinski, par exemple. Il s’agit toujours de personnages charismatiques du passé.
D’une manière générale, quelles sont vos sources d’inspiration?
L’expérience de la vie et les rencontres, car j’aime les gens. La cuisine aussi! Je trouve que la peinture et la cuisine ont une même sensualité.
Au fil du temps s’est développée une marque «Roger Pfund». En quoi consiste-t-elle?
La marque Roger Pfund allie la qualité graphique et typographique avec le recours aux technologies de pointe: supports, encres de sécurité, procédé diffractif. J’ai développé ce savoir-faire avec les billets de banque et l’Atelier est aujourd’hui l’un des seuls au monde à bénéficier de cette expertise. La marque se fonde aussi sur un ensemble de valeurs comme l’engagement et l’écoute. Personnellement, je n’ai jamais travaillé à une marque «Roger Pfund» mais elle s’est imposée d’elle-même au fil des ans.
Que représente pour vous l’exposition au MAH?
Cet événement me fait très plaisir car il s’agit d’une reconnaissance de mon travail en Suisse, et en particulier dans la ville où j’ai travaillé pendant presque toute ma vie. L’exposition tombe par ailleurs très bien puisqu’elle marque cinquante ans de carrière et s’inscrit dans l’année de mon septantième anniversaire…
Mais c’est la première exposition de ce type qui vous est consacrée en Suisse…
Oui. J’ai eu droit à une importante exposition rétrospective à Pékin en 2008, mais rien de tel en Suisse. Vous connaissez l’adage «nul n’est prophète en son pays»…
Pouvez-vous nous présenter l’exposition de Genève?
L’idée est de montrer mon activité artistique en faisant dialoguer les œuvres (petits formats vs grands formats; peinture libre vs design, etc.). Elle souligne aussi la diversité du travail réalisé à l’Atelier et, en filigrane, notre méthodologie. Le résultat ne vient pas «de rien».
Quelle est votre œuvre préférée?
Il est toujours difficile de devoir choisir, mais il est vrai que j’ai beaucoup insisté pour qu’une composition de huit mètres de long intitulée Les Droits de l’Homme soit exposée. Cette peinture est un hommage à l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui a été le fil rouge de toute ma vie*. J’accorde une importance capitale à cette thématique, et ce depuis toujours.