Le Cabinet d’arts graphiques consacre une nouvelle exposition à l’artiste soleurois
Autodidacte, le Soleurois Martin Disler (1949-1996) pratique dès 1969 un art intense, libre de tout programme ou théorie. Il expérimente sans limites et sans règles les techniques graphiques, la peinture, puis la sculpture et la littérature pour donner corps à des visions intimes marquées par la violence, la révolte, la sexualité et la mort.
La documenta 7, organisée à Cassel (Allemagne) en 1982, propulse son oeuvre protéiforme sur la scène internationale. L’urgence manifestée par ses créations, et la sensibilité exacerbée qu’elles font éclater sous le regard du public lui confèrent un place éminente dans une époque qui voit l’émergence de mouvements artistiques libertaires tels les Neue Wilde germaniques, la Transavanguardia italienne ou la Figuration libre française.
Dans les huit dernières années de sa carrière, la figure humaine est au cœur du travail profondément introspectif de Martin Disler. Qu’ils soient suggérés, fragmentés ou déformés, les corps prennent possession de l’œuvre, révélant l’étreinte sauvage d’Éros et Thanatos, cet irrépressible combat des pulsions d’amour et de mort qui habitent l’artiste.

Lithographie rehaussée de gouache, image: 86 x 61,5 cm ; feuille : 91,5 x 63,5 cm ; épreuve unique
Don Irène Grundel, 2002 ©Estate of Martin Disler/IG, scan CdAG, inv. E 2002-0570
Son geste rapide, presque frénétique, reflète un besoin essentiel de figuration. Cette éruption constante apparaît dans la reprise de certaines lithographies au fusain ou à la gouache, le dessin portant l’image imprimée vers de nouvelles possibilités expressives. Le trait s’accélère, les formes s’entrelacent d’une manière si dense que ses productions visuelles approchent la dimension visionnaire et elliptique du travail littéraire qu’il mène en parallèle.
En 1989, le Cabinet des estampes du Musée d’art et d’histoire consacre à Martin Disler une exposition monographique et publie le premier volume du catalogue raisonné de son oeuvre gravé. En 1999, il lui rend hommage en dévoilant ses dernières aquarelles au Musée d’art moderne et contemporain de Genève (Mamco). Bénéficiaire d’une importante donation de la veuve de l’artiste en 2002, le Cabinet d’arts graphiques poursuit cette démarche et souligne la générosité de ce geste en présentant un choix d’estampes, de dessins et de matrices des dernières années de sa carrière, replacés dans leur contexte historique.
L’exposition Martin Disler (1949-1996). Des coups au cœur se tient au Cabinet d’arts graphiques jusqu’au 30 juillet
Texte de Christian Rümelin et Caroline Guignard paru dans le MAHG n°22, janvier-avril 2017