Elle était autrefois l’aboutissement d’une série d’étapes délicates, longues et coûteuses; elle est devenue spontanée, immatérielle, facile à modifier. Les appareils étaient autrefois lourds et encombrants; ils se dissimulent aujourd’hui dans les circuits de nos téléphones portables. Il fallait autrefois faire preuve de patience avant que les prises de vues ne nous reviennent révélées sur papier; plus d’attente désormais: ces mêmes prises peuvent être effacées ou conservées et envoyées à des milliers de kilomètres. Depuis l’inscription de son brevet en 1839, la photographie, comme tant d’autres inventions du XIXe siècle, a d’abord séduit les élites pour rapidement s’en affranchir. Comme l’avion, comme le train, elle est aujourd’hui partout présente, à tout moment disponible, voire indispensable. Mais la photographie a ceci de particulier: elle est multipliable à l’envi. Avantage? Désavantage? La photographie fait partie de ces découvertes dont on ne saurait se passer, un outil simple mais sophistiqué que l’on aime et que l’on aime aussi détester. Pour certains, elle aurait envahi et banalisé le quotidien; pour d’autres au contraire elle est témoin objectif, engagement responsable, matériau d’art unique et point de vue d’auteur; ou encore instrument utile, docile, muet et serviable; ou même preuve irréfutable ou réfutable, empreinte mémorielle, machine à voyager dans le temps et réservoir inépuisable de nostalgies.
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