Datés de la fin de la Renaissance à nos jours, quinze cabinets ouvrent leurs portes et leurs tiroirs secrets
Depuis le mois de juillet, la salle 207 du Musée d’art et d’histoire accueille quelque quinze cabinets datés du XVIIe au XXe siècle dans une présentation inédite intitulée Le cabinet: de l’écrin précieux au meuble d’apparat. Sorties pour la première fois des réserves du musée, ces pièces de mobilier retracent plus de quatre cents ans de l’histoire du goût.
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Bâti de sapin, placage de bois noirci et d’os gravé, laiton, papier marbré, H. 57; L. 76 ; Pr. 29 cm
©MAH, photo: B. Jacot-Descombes, inv. MF 4021
Par le raffinement de son exécution et la richesse de ses décors, le cabinet est le meuble précieux par excellence. Héritier du coffre à tiroirs et à casiers dont l’histoire remonte à l’Égypte ancienne, ce petit meuble à façade compartimentée et fermée par un abattant ou des vantaux, naît en Italie au début du XVIe siècle, avant d’être fabriqué en Espagne, en Flandres, en Allemagne et enfin en France. C’est à la Renaissance qu’il acquiert ses lettres de noblesse et suscite un engouement remarquable chez les collectionneurs, qui y déposent monnaies, médailles antiques, camées et autres objets de curiosité.
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Legs J.-J. Blachier, 1921 ©MAH, photo: B. Jacot-Descombes, inv. 8158
À l’origine portatif, conjuguant les fonctions d’écritoire et de coffret pour documents et objets précieux, le cabinet se fait imposant à l’époque baroque avec son piètement à colonnes. Élaboré à partir de matériaux coûteux et rares – ébène, écaille de tortue, pierres fines multicolores, ivoire, argent ou laque –, il met en œuvre de multiples savoir-faire. Sa niche centrale, au décor souvent spectaculaire, peut dissimuler des caches secrètes. Cadeau fastueux offert lors d’échanges diplomatiques, ce meuble digne des princes et des rois, dont il sert les fins politiques, contribue également au prestige des collections exposées dans les galeries, cabinets d’art et cabinets de curiosités.
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Legs Mme Théodore Lullin, 1943 ©MAH, photo: B. Jacot-Descombes, inv. 18180
Le mode de vie plus intime qui s’impose au XVIIIe siècle apporte un renouvellement de sa forme et de ses décors. De dimensions plus modestes et caractérisé par des lignes féminines, il emprunte certains traits du cabinet traditionnel tout en privilégiant l’une ou l’autre de ses fonctions. Table chiffonnière et bonheur-du-jour font ainsi office de petits bureaux pour dames, tandis que médaillier et serre-bijoux servent d’écrins aux menus objets de valeur. Meuble d’apparat au XIXe siècle, le cabinet fait étalage, dans les grandes expositions internationales, des dernières performances techniques et industrielles propres à son pays d’origine. Sous l’influence du japonisme, il adopte bientôt des formes asymétriques et légères, pour se parer à nouveau de matériaux précieux, à l’heure de l’art déco. Le chapitre de sa longue histoire se referme sur le cabinet à cocktails, présent tout au long du XXe siècle, et sur d’occasionnelles interprétations contemporaines.
Ce texte a été publié dans le MAHG de septembre-décembre 2018