Hodler et Dalcroze : une histoire d’harmonie

Le MAH en trio avec la Haute École de Musique et l’Institut Jaques-Dalcroze

À l’occasion des célébrations du centenaire de la mort de Ferdinand Hodler, le Musée d’art et d’histoire s’est approché de l’Institut Jaques-Dalcroze et du département musique et mouvement de la Haute École de Musique de Genève afin de mettre en lumière le travail du peintre et du musicien et pédagogue Émile Jaques-Dalcroze sur le rythme et l’harmonie.

Le MAH en trio avec la Haute École de Musique et l’Institut Jaques-Dalcroze

À l’occasion des célébrations du centenaire de la mort de Ferdinand Hodler, le Musée d’art et d’histoire s’est approché de l’Institut Jaques-Dalcroze et du département musique et mouvement de la Haute École de Musique de Genève afin de mettre en lumière le travail du peintre et du musicien et pédagogue Émile Jaques-Dalcroze sur le rythme et l’harmonie.

Le 4 février dernier, les élèves de 3e année de la formation HEM, basée sur la méthode développée par Dalcroze, ont présenté cinq créations artistiques au MAH inspirées par les œuvres de Hodler, mais aussi par le reste des collections et l’architecture du musée… Ce dialogue entre le troisième et le quatrième art est l’occasion de rappeler les nombreux liens qui unissent les deux illustres Genevois.

Ferdinand Hodler, Regard vers l’infini, 1913/14-1916 Huile sur toile, 446 x 895 cm
Kunstmuseum de Bâle, inv. 1445
Les élèves de la HEM, le 4 février 2018, dans les salles palatines du MAH ©MAH

Estime mutuelle

Ferdinand Hodler (1853-1918) et Émile Jaques-Dalcroze (1865-1950) arrivent tous les deux à Genève dans les années 1870. En 1872, Hodler a 19 ans et il a quitté Berne à pied pour rejoindre la capitale culturelle de la Suisse de cette époque. Dalcroze s’installe, lui, à Genève en 1875 avec sa famille, à l’âge 10 ans.

Quelques années plus tard, les parcours des deux hommes se croisent à maintes reprises et  ils développent au fil du temps une véritable estime mutuelle, pour ne pas dire une histoire d’amitié.

S’ils partagent de nombreuses connaissances communes parmi le cercle des intellectuels genevois, ils vouent aussi une véritable passion aux questions de rythme et d’harmonie. Tous deux sont précurseurs dans leurs domaines, où le corps apparaît comme l’élément central des notions de pose expressive chez l’un, et de musique plastique chez l’autre. À chaque émotion correspond un geste dans l’œuvre du peintre, alors que la théorie pédagogique de Dalcroze invite l’élève à retranscrire en musique le ressenti par le corps.

À gauche: Ferdinand Hodler, le 17 mars 1913. À droite: Émile Jaques-Dalcroze , 1911
Atelier Boissonnas (Genève, 1862 – Genève, 1983)
Épreuves argentiques noir-blanc encollées sur carton
©Bibliothèque de Genève, inv. fbb p port hod 01; FBB P Portraits Jaq 01 01

Quand Hodler rencontre Dalcroze…

Les circonstances de la première rencontre entre les deux artistes, qui ont certainement eu beaucoup de plaisir à échanger, demeurent inconnues.

Elle a pu avoir lieu dans le salon du peintre Auguste Baud-Bovy où ils rêvaient ensemble de faire de Genève un centre d’avant-garde ou plutôt chez un de leurs amis communs, comme le poète Louis Duchosal. Hodler a peint plusieurs fois ce dernier qui lui dédia des poèmes et venait régulièrement le voir dans son atelier. Il en fit même un portrait sur son lit de mort en 1901. Dalcroze a quant à lui été inspiré par les textes symbolistes du poète pour les œuvres musicales comme Paysage sentimental et C’est un air lointain. Et, en 1887, Hodler et Dalcroze sont membres du Cercle indépendant fondé par Duchosal pour continuer la publication de La Revue de Genève, une revue symboliste.

Ou lors de l’exposition nationale qui s’est déroulée à Genève en 1896. Hodler réalise vingt-six panneaux de plus de trois mètres de haut avec des représentants de la Suisse pour la façade du palais des Beaux-Arts, dont six (deux sont en restauration) sont aujourd’hui visibles en haut des grands escaliers du MAH – parmi lesquels des lansquenets, un vigneron et un horloger. Et cela alors que Dalcroze met en scène à cette occasion le Poème alpestre de Daniel Baud-Bovy, le fils d’Auguste. Ou encore, la même année, lors d’une soirée du petit Théâtre Sapajou où Dalcroze improvise au piano durant l’été et pour lequel Hodler a contribué aux côtés d’autres artistes du Cercle des Beaux-Arts, à la réalisation d’une partie des frises décoratives.

Jeux de foulards sur la scène de l’IJD ©CaroleParodi

Il demeure certain que, dans le milieu des artistes et des intellectuels de la petite ville de Genève au tournant du XXe siècle, ces deux personnalités engagées n’ont cessé de se côtoyer. En 1914, ils signent tous les deux la lettre de protestation contre la destruction par l’armée allemande de la Cathédrale de Reims, un engagement non sans conséquences: Hodler se voit rayé des associations allemandes d’artistes et Dalcroze forcé de rentrer à Genève à la suite de la fermeture en 1915 de son premier institut ouvert quatre ans plus tôt à Hellerau, près de Dresde. La même année, il ouvre celui de Genève; Hodler figure parmi l’un des membres du Comité d’initiative et prend même des cours de rythmique.

Invitation aux fêtes de juin

En juin 1917, Hodler signe dans le Journal de Genève un appel à se rendre et à participer aux fêtes annuelles de l’Institut Jaques-Dalcroze: «Tous ceux qui ont déjà assisté, chez Dalcroze, à des séances de rythmique, ont été émerveillés de l’harmonie de tous ces mouvements du corps humain. Ils seront heureux d’avoir une nouvelle occasion d’admirer cet art si expressif. Pour ma part, j’engage tous les artistes à se rendre à ces fêtes; ce sera pour eux un délice et une véritable source d’inspiration de voir se succéder ces groupes toujours harmonieux, exprimant des sentiments divers.» (Le Journal de Genève, 1917).

Elèves de l’IJD sur scène ©Nico-Cuti

Une semaine après la mort de Hodler le 19 mai 1918, Dalcroze rend hommage à l’artiste dans un article paru dans la Tribune de Genève. Dans le premier paragraphe, on peut lire: «Qu’il me soit permis ici de parler de Ferdinand Hodler, non en spécialiste des arts picturaux, mais en musicien admirateur de son génie rythmique…».

Rien de plus naturel donc pour le Musée d’art et d’histoire, célébrant cette année le grand peintre, de vous inviter aux fêtes de l’Institut Jaques-Dalcroze qu’il accueille en juin en son sein. Et pour les élèves et les enseignants de l’IJD de s’emparer du «génie rythmique» de Hodler comme source d’inspiration pour leurs créations. Finalement, ces grands artistes plus que centenaires continuent à nous inspirer et à nous insuffler de nouveaux projets!

Fêtes de l’Institut Jaques-Dalcroze
Samedi 16 et dimanche 17 juin 2018
Musée d’art et d’histoire
Entrée libre, sans réservation

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