Genèse d’une exposition
La première partie du titre de cette exposition, «J’aime les panoramas», citation extraite d’OSS 117. Le Caire, nid d’espions, est congénitale de la conception de ce projet d’exposition. À partir de cette citation culte d’un film réalisé il y a quelques années, surgie au hasard d’une conversation, toute une trame s’est tissée par sérendipité.
Avec pour fil de chaîne ce qu’exprime le héros incarné par Jean Dujardin de la banalité, de la futilité, du caractère superficiel de la contemplation d’un panorama, dans une scène où, surgissant d’une décapotable, il déclare devant le canal de Suez qui s’étale à ses pieds: «C’est somptueux. J’aime les panoramas! Celui-ci est magnifique.»
Et pour fil de trame, ce que contredit aussitôt ce paysage de 1955, ses enjeux géopolitiques explosifs et son emplacement sur une terre symbole de civilisation. Le fil de trame a partie liée avec le sous-titre de l’exposition, «S’approprier le monde»: derrière l’image consensuelle d’OSS, derrière cette idée première d’exaltation et de libération que prescrit le panorama, il s’agit bien de faire émerger d’autres notions moins simplistes d’appropriation, de domination, voire d’aliénation. Jusqu’au néologisme «Sehsucht», qui exprime le besoin extrême de voir au point d’aboutir à la dépendance.
L’entrecroisement et la duplicité de ces notions laissent d’emblée entrevoir la complexité du sujet. La légende entourant la genèse même du dispositif du panorama souligne d’ailleurs sa dimension paradoxale. Robert Barker, l’inventeur des rotondes panoramiques, en aurait eu la révélation soit dans une geôle, soit en plein air, au sommet d’une colline: l’enfermement est leur condition sine qua non, l’ouverture à perte de vue tout autant.
Extrait du catalogue de l’exposition. Texte écrit en collaboration avec Jean-Roch Bouiller, co-commissaire de l’exposition, conservateur au MuCEM.
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