L’importance des portraits
Il ne reste plus que quelques jours pour découvrir l’exposition Jean-Pierre Saint-Ours. Un peintre genevois dans l’Europe des Lumières, au Musée d’art et d’histoire de Genève, qui s’achève le 28 février. Dans cette rétrospective inédite, une section est entièrement consacrée à l’art du portrait chez Saint-Ours.
Le recensement des peintures de l’artiste genevois permet d’insister aujourd’hui sur l’importance remarquable de l’œuvre de Jean-Pierre Saint-Ours portraitiste, sur la qualité picturale, la valeur conceptuelle et la singularité de ces effigies réalisées à Genève dès 1794 seulement, et ce pendant une quinzaine d’années, jusqu’à la disparition du peintre en 1809.
Si cet aspect de la carrière de Saint-Ours est resté quelque peu dans l’ombre, c’est que lui-même y était moins attaché qu’à la peinture d’histoire, sa véritable vocation, et que la plupart de ces portraits sont encore dispersés dans les familles des descendants de leurs modèles, ignorés parfois parce que non signés, ou obscurcis par les effets du temps sur les vernis.
Portraits historiés
Homme sensible, de grande culture, doué d’un sens psychologique inné, Saint-Ours montrait pour ses modèles beaucoup d’attention et d’empathie. Il avait l’ambition de transposer son expérience de peintre d’histoire dans sa conception du portrait et d’aborder cette catégorie des arts dans le même esprit que devant un sujet historique. Il s’était fixé ses propres règles du «portrait historié» ou «portrait culturel» qu’il ne cessera d’adapter à la personnalité de chacun des sujets représentés. Il va donc entourer ceux-ci des objets les plus emblématiques de leur vie privée et publique, de leur contexte culturel et de leur psychologie, et les camper dans des décors évocateurs de leur rôle social, donnant ainsi une valeur mémorielle à l’analyse de ses personnages.

Ainsi, grâce à Saint-Ours, nous conservons le souvenir vivant de toute une société qui, à Genève, fut l’archétype de la bourgeoisie provinciale éclairée au tournant du XVIIIe siècle. Les proches, les amis, sont saisis avec naturel et simplicité, alors que dans les portraits de politiques, de patriciens, d’hommes célèbres, l’artiste multiplie les signes ambigus de l’appartenance sociale ou culturelle. Avec cette galerie d’effigies historiées, frappante chacune par sa propre individualité, Saint-Ours révèle un grand talent de portraitiste dont les qualités n’ont pas été assez soulignées.
Texte de Anne de Herdt, commissaire de l’exposition.
Il est extrait de l’album Jean-Pierre Saint-Ours. Un peintre genevois dans l’Europe des Lumières, co-édité par les Musées d’art et d’histoire de la Ville de Genève – La Baconnière.