Les trouvailles monétaires de Saint-Antoine
Au cours des trente dernières années, les fouilles menées par le Service cantonal d’archéologie ont permis de retrouver quelque six mille monnaies. Elles sont déposées, étudiées et conservées au Cabinet de numismatique du MAH.
La numismatique apporte sa pierre à la reconstruction du passé et fournit à l’occasion des points de repère aux archéologues.
Débuté en mai 2012, le chantier de fouilles de l’Esplanade Saint-Antoine a permis de mettre à jour des trouvailles numismatiques dont l’intérêt historique compense leur faible nombre.
Le mottet de Saint-Laurent
Grâce à un sondage effectué sur l’esplanade, les archéologues espèrent alors découvrir, à l’intérieur du «mottet» créé par le renforcement des fortifications du temps de Calvin, la chapelle de Saint-Laurent souvent mentionnée dans des sources remontant jusqu’au XIIe siècle. Le chantier de fouille s’installe là où s’étendait la Genava gallo-romaine, là également où un cimetière chrétien était venu remplacer un cimetière plus ancien. L’importance des découvertes a poussé les archéologues à demander une prolongation des fouilles jusqu’en 2015 et nous permet d’espérer que ce site sera transformé en un lieu accessible en permanence aux visiteurs.
Les principaux éléments mis à jour sont:
- une zone d’occupation «gallo-romaine» datée de 50-100 apr. J.-C.
- une zone funéraire remontant au IVe siècle, utilisée probablement jusqu’au IXe siècle
- de nombreuses tombes en dalle autour d’une grande église datant de l’époque mérovingienne.
Monnaies perdues d’Auguste à Louis XV
Les monnaies ne semblent pas avoir été trouvées dans des configurations présentant un intérêt pour les archéologues. Pas d’«oboles à Charon» ou de dépôts intentionnels, mais des pertes isolées: les dix-sept pièces issues des fouilles de 2012-2013 sont en effet trop peu nombreuses pour représenter les aumônes tombées à côté du tronc de l’église. Toutefois, elles ont permis d’apporter une confirmation globale des datations obtenues par d’autres méthodes et d’enrichir la connaissance générale du site.
Formant un premier groupe, les pièces les plus anciennes datent de l’époque d’Auguste, de Tibère et d’Antonin le Pieux. Très usées, elles ont été trouvées à proximité de pièces du IVe siècle. Trois siècles plus tard, elles étaient donc encore en circulation, en raison du manque d’approvisionnement en numéraires dans nos régions. Particulièrement rares à Genève, deux minuscules piécettes – dont l’une présente le monogramme de Léon Ier ou de Zénon l’Isaurien – ont également été trouvées à cet endroit. Elles sont datées de la période burgonde, dans la seconde moitié du Ve siècle.

Le deuxième groupe de monnaies, médiévales celles-ci, atteste l’occupation des lieux bien avant que les sources écrites ne mentionnent l’existence de la chapelle de Saint-Laurent. Ce lot comprend, en particulier, un denier et une obole de Conrad – le premier évêque de Genève qui a frappé monnaie peu après l’an mille. Il s’agit de pièces très bien conservées et rares car elles ont vite disparu de la circulation, remplacées par des deniers plus léger et de titre plus bas, suivant en cela l’adage «la mauvaise monnaie chasse la bonne».

Enfin, trois jetons de compte (Rechenpfennig) présentant à l’avers les portraits de Louis XIV et de Louis XV, nous rappellent que, sous l’ancien Régime, on comptait en déplaçant des jetons sur une table – la machine à calculer de l’époque. Leur présence sur ce qui est devenu le mottet de Saint-Laurent, fréquenté à cette époque par les garnisons, représente un petit mystère. Plutôt que d’imaginer ces braves soldats tuant l’ennui des gardes en exerçant leurs mathématiques, nous croyons qu’ils utilisaient ces jetons de compte, meilleur marché que la vraie monnaie, comme jetons de jeu.
