Les objets conservés par le MAH enfin publiés
Entrés dans les collections publiques genevoises il y a près de 140 ans, les objets mis au jour à La Tène et conservés par le MAH sont publiés dans le dernier volume des Cahiers d’archéologie romande. L’occasion de rappeler l’importance de ce site archéologique unique en son genre.
Un site neuchâtelois référence pour l’Europe
Le site celtique de La Tène se situe au nord du lac de Neuchâtel, à l’embouchure de la Thielle. Il est découvert en 1857 par un pêcheur et collecteur d’objets antiques. Dès lors, de très nombreux objets métalliques, notamment des armes en fer, y seront mis au jour. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, la publication de ces trouvailles et la tenue de congrès internationaux de préhistoire contribuent à la notoriété du site. Le Suédois Hans Hildebrand propose, dès 1874, de faire de La Tène le site éponyme de la culture dite du second Âge du Fer (2e quart Ve – fin Ie av. J.-C.). Le vocabulaire des archéologues s’enrichit alors du qualificatif «laténien» pour désigner les productions celtiques de cette période. Le site de La Tène est devenu une référence européenne.
Des milliers de trouvailles disséminées dans le monde entier
Selon les estimations récentes, le site de La Tène a livré quelque 4’500 trouvailles réparties entre plus de trente institutions dans le monde. Les collections les plus significatives sont toutefois demeurées en Suisse. Elles se trouvent au Laténium, parc et musée archéologique, à Hauterive (env. 2’000 objets) et au Nouveau Musée Bienne (anciennement Musée Schwab, env. 1’000 objets). La collection genevoise est répartie entre le Musée d’art et d’histoire (mobilier), le Muséum d’histoire naturelle et l’Université de Genève (restes humains).
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Une publication de référence pour la collection du MAH
Le Prof. Gilbert Kaenel a initié en 2007, à l’occasion du 150e anniversaire de la découverte du site, un programme international de recherche consacré au site de La Tène. Celui-ci a pour but le réexamen et la mise en valeur de l’ensemble des découvertes qui y furent faites dès 1857. Après des contributions consacrées à l’histoire des découvertes sur le site (2007 et 2011) et aux collections des musées de Bienne (2011) et de Berne (2013), paraît en 2017 le 5e volume de la série La Tène, un site, un mythe consacré aux objets conservés au MAH depuis le XIXe siècle. La Tène. Les collections de Genève (Suisse) est publié par Jordan Anastassov, avec les contributions de cinq spécialistes.
Constitution de la collection du MAH
Le Musée d’art et d’histoire conserve 141 objets provenant, selon les registres d’inventaire, du site de La Tène. Ces objets ont été acquis entre 1879 et 1885 pour le Musée archéologique par Hippolyte-Jean Gosse, conservateur de cette institution. Des documents d’archive indiquent que celui-ci a avancé l’argent à la Ville de Genève (près de CHF 1’400.-) pour conclure cette acquisition. Le vendeur de l’essentiel des pièces acquises par le musée est un certain Fritz Borel, concierge au Musée de Neuchâtel, qui a largement investigué le site au début des années 1880.
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©CIG, Inv. Icon M 1946-23
Son large butin lui permit de proposer des objets au Musée de Neuchâtel (env. 450), au Musée archéologique de Genève (138), au Musée historique de Berne (125 env.) mais également à des collectionneurs privés. Les circonstances de ces découvertes sont inconnues car Borel n’a pas documenté ses activités. À l’époque, les fouilles, l’achat et la revente de collections faisaient partie des attributions du concierge du Musée de Neuchâtel. Et s’il était nécessaire d’obtenir un permis de fouiller auprès du canton, l’inventeur des objets était ensuite libre d’en disposer à sa guise… et ce jusqu’en septembre 1883, où un nouveau règlement entre en vigueur pour freiner la dispersion tous azimuts des pièces.
La collection du MAH
Les objets de La Tène sont exposés, dès l’ouverture du Musée d’art et d’histoire en 1910, dans la salle dédiée à la préhistoire.
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Détail d’une vitrine de la salle de préhistoire © MAH, Jean Arlaud, inv. Bât. 0065
Sur les 141 objets conservés au MAH, 89% sont en fer. Il s’agit essentiellement d’outils, d’armes, de parures, d’éléments de harnais et de garnitures de chars et d’anneaux. À ceux-ci s’ajoutent, en nombre limité, des monnaies, des ustensiles de toilette, des produits semi-finis, de la quincaillerie et des cloches. L’ensemble du lot est daté, selon des critères typologiques, d’environ 200 av. J.-C.
L’état de conservation de la plupart des pièces est exceptionnel. C’est le cas d’un sac en cuir qui contenait à l’origine des outils, dont subsistent 11 fragments. Il a pu être reconstitué; il était doté à l’origine d’un rabat, de soufflets, d’appliques et de lacets et pouvait se mettre en bandoulière.
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©M. Volken
Par ailleurs, un fourreau d’épée a conservé son décor incisé en forme de rinceau dont les volutes s’achèvent par un motif zoomorphe. L’étude de la collection a également révélé l’existence de 7 nouvelles variantes de types existants, l’une de ceinturon, les autres de fibules.
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Tous les objets sélectionnés pour le musée par Hippolyte-Jean Gosse répondent aux critères de l’époque; il s’agissait de constituer un ensemble représentatif des trouvailles du site neuchâtelois mais doté également de qualités esthétiques. Il n’est pas étonnant dès lors que la plupart des artefacts soient quasi intacts, alors que d’autres collections, comme celles de Bienne, comportent des fragments et reflètent donc davantage la réalité du gisement dont elles proviennent.
Constitution de la collection d’ossements
La collection de restes humains conservée à Genève est la plus importante révélée par le site de La Tène (15 individus). Ces ossements sont conservés aujourd’hui au Laboratoire d’archéologie préhistorique et anthropologie de l’Université de Genève. Ce matériel est issu de 2 lots. Le premier (10 individus env.) est appelé «collection Pittard», du nom du Prof. Eugène Pittard, fondateur du Musée d’ethnographie de Genève et titulaire de la première chaire d’anthropologie à l’Université. La présence de ce savant, qui développa l’anthropologie physique, explique la richesse du fonds genevois. Les ossements du second lot ont été transmis au Muséum de Genève par Hippolyte-Jean Gosse en 1887. L’ensemble du matériel osseux fera l’objet d’une publication ultérieure. Dans la publication de J. Anastassov seul un corpus de 50 os post-crâniens est présenté. L’analyse de certains ossements atteste de violences ayant pu entraîner la mort.
Un site d’interprétation difficile
Diverses interprétations ont été formulées au fil du temps pour expliquer la présence, à l’embouchure de la Thielle, d’un gisement riche de plusieurs milliers d’objets. Aujourd’hui la majorité des spécialistes s’accorde à y reconnaître un lieu de culte, d’offrande et de sacrifice (d’animaux et d’êtres humains).
GENTILI SIGNORI, DESIDERO CONTETTARE LA PROFESSORESSA BEATRICE BLANDIN, TRAMITE POSTA ELETTRONICA. CORDIALI SALUTI, MARCELLO PORRO.
Bravo et merci pour cet excellent blog ! Bel antidote aux fake news !