La triste histoire de Miss Djeck

Le Cabinet d’arts graphiques expose un crâne d’éléphant, en lien avec les travaux d’Henry Moore

Le crâne de Miss Djeck – une éléphante tuée à Genève en 1837 – est exposé dans les salles du Cabinet d’arts graphiques à l’occasion de l’exposition Gérald Cramer et ses artistes : Chagall, Miró, Moore. L’imposante boîte crânienne dialogue ainsi avec la suite d’eaux-fortes Elephant Skull, réalisée par Henry Moore entre 1969 et 1970. Dans ses gravures, l’artiste explore le crâne d’éléphant que ses amis Julien et Juliette Huxley lui avaient offert en cadeau en 1966. De sa forme extérieure, il analyse progressivement la structure interne des os qui constituent, à ses yeux, de véritables sites préhistoriques. À travers ses planches, Moore invite alors le spectateur à embarquer littéralement pour un voyage à l’intérieur d’un crâne, où s’enchaînent des paysages rocheux, des grottes, des déserts, mais aussi des pièces d’architecture ou des parties du corps humain. Le crâne de Miss Djeck illustre ici le type d’objet auquel se confronte l’artiste dans la réalisation de ses eaux-fortes. Mais qui était Miss Djeck et quelle est son histoire?

Le Cabinet d’arts graphiques expose un crâne d’éléphant, en lien avec les travaux d’Henry Moore

Le crâne de Miss Djeck – une éléphante tuée à Genève en 1837 – est exposé dans les salles du Cabinet d’arts graphiques à l’occasion de l’exposition Gérald Cramer et ses artistes : Chagall, Miró, Moore. L’imposante boîte crânienne dialogue ainsi avec la suite d’eaux-fortes Elephant Skull, réalisée par Henry Moore entre 1969 et 1970. Dans ses gravures, l’artiste explore le crâne d’éléphant que ses amis Julien et Juliette Huxley lui avaient offert en cadeau en 1966. De sa forme extérieure, il analyse progressivement la structure interne des os qui constituent, à ses yeux, de véritables sites préhistoriques. À travers ses planches, Moore invite alors le spectateur à embarquer littéralement pour un voyage à l’intérieur d’un crâne, où s’enchaînent des paysages rocheux, des grottes, des déserts, mais aussi des pièces d’architecture ou des parties du corps humain. Le crâne de Miss Djeck illustre ici le type d’objet auquel se confronte l’artiste dans la réalisation de ses eaux-fortes. Mais qui était Miss Djeck et quelle est son histoire?

Le crâne de Miss Djeck et la suite Elephant Skull de Henry Moore exposée au Cabinet d’arts graphiques © photo: ***, Genève, MHNG, inv. 767.019 ; CdAG, dépôt de la Fond. G. Cramer, inv. E 76-0354.
Le crâne de Miss Djeck et la suite Elephant Skull de Henry Moore exposée au Cabinet d’arts graphiques © photo: M. Sommer, Genève, MHNG, inv. 767.019 ; CdAG, dépôt de la Fond. G. Cramer, inv. E 76-0354.

Une éléphante peu docile

D’après les chroniques de l’époque, conservées dans les archives du Muséum d’histoire naturelle, Miss Djeck quitte les Indes en 1806 pour rejoindre les foires européennes. Transportée dans une cage ou voyageant à pied, elle parcourt ainsi le Vieux Continent (l’Angleterre, l’Allemagne et la France) et une bonne partie de l’Amérique, en devenant l’attraction principale de cortèges et parades, pour la grande délectation des foules. En mars 1837, le pachyderme arrive à Genève, où il est montré au public dans une baraque à Longemalle. Fatiguée des longs voyages et de caractère plutôt colérique, Miss Djeck s’emporte contre l’un des visiteurs, le pasteur de Cologny Octave Bourrit, en le serrant à la ceinture avec sa trompe. Seuls les cris épouvantés de Madame Naville parviennent à distraire l’animal, qui lâche prise. L’infortuné ecclésiastique peut ainsi s’esquiver et avoir la vie sauve.

Compte tenu de sa dangerosité, le Conseil d’État décide alors de transférer l’animal dans l’un des fossés près de la porte de Rive pendant la nuit du 20 avril. Miss Djeck profite de la balade nocturne pour s’enfuir: traversant au galop le Quai et la Rue du Rhône et poussant d’épouvantables barrissements, elle sème la terreur au sein de la population. Finalement, l’éléphante est conduite à Rive où – comme l’illustre un lavis de Rodolphe Töpffer lithographié par Dunant – elle peut accéder à son enclos par une passerelle provisoire. Dès les premières heures de la matinée, une foule de curieux s’installe sur les glacis afin d’admirer l’animal et lui jeter des fruits et des friandises.

Dunant, Miss Djeck, d’après un lavis de Rodolphe Töpffer, après le 20 avril 1837, lithographie, 246 mm x 322 mm (feuille) © Bibliothèque de Genève.
Dunant, Miss Djeck, d’après un lavis de Rodolphe Töpffer, après le 20 avril 1837
Lithographie, 246 mm x 322 mm (feuille) © Bibliothèque de Genève

La triste fin de Miss Djeck

Par la suite, son propriétaire Monsieur Lott essaye de vendre Miss Djeck; compte tenu des coûts de son entretien (estimés à 3 000 francs suisses de l’époque par an), personne – y compris la Ville de Genève – ne se montre intéressé. D’autant plus que, au fil du temps, l’agressivité du pachyderme s’était accrue, jusqu’à blesser treize personnes et tuer trois de ses cornacs. Monsieur Lott accepte alors de céder l’animal au docteur François-Isaac Mayor, chirurgien et naturaliste émérite qui, après avoir reçu l’autorisation du Conseil de l’Etat, charge les deux meilleurs gendarmes de la place de tuer l’éléphante à coups de carabine. Malheureusement, les projectiles – dont les marques sont toujours visibles dans les sinus frontaux de son crâne – ne sont pas efficaces. Blessée, la pauvre Miss Djeck est achevée le 27 juin 1837 avec une petite pièce artillerie; sa chair est vendue dans une boucherie de la rue de la Corraterie tandis que son squelette est conservé, en pièces détachées, au Muséum d’histoire naturelle où il demeure à ce jour.

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