Le Mur des Réformateurs vu par 8 dessinateurs
Dans le cadre de l’exposition Faire le mur ? Le Monument international de la Réformation a cent ans!, les Musées d’art et d’histoire ont souhaité perpétuer une tradition typiquement genevoise: le détournement par le dessin du mur et de ses augustes figures. Huit Romands ont eu carte blanche pour réaliser une illustration à partir du célèbre monument: Cécile Koepfli, David Parrat, Isabelle de Muralt, Mirjana Farkas, Olga Fabrizio, Poussin, Reto Crameri et Simon Tschopp. Leurs dessins seront dévoilés chaque jeudi de juillet et d’août sur les réseaux sociaux du musée (Facebook, Twitter et Instagram) et seront présentés, en alternance et en grand format, dans l’entrée de la Maison Tavel jusqu’au 29 octobre.
Depuis sa création, le Mur des Réformateurs a toujours inspiré les créateurs à des fins politiques, de divertissement, de publicité, de communication… L’invitation faite à ces dessinateurs romands de générations confondues est, elle, purement artistique. S’ils partagent tous la vision d’un monument dont l’austérité mérite d’être interrogée ou détournée, les artistes ont fait preuve d’une grande diversité dans leur esprit et leur inspiration – les imposantes silhouettes, la devise Post Tenebras Lux ou encore la symbolique religieuse et historique du site.
Un monument intimidant
Reto Crameri propose ainsi une version sombre du Mur, ici agrémenté de fils électriques, en évoquant sa capacité à diviser. Les quatre hommes sans visage sont-ils «éclairés par un spot de surveillance?». Assiste-t-on à leur arrestation par des garde-frontières? Usant du noir et blanc en référence aux documents d’archives, Crameri fait également allusion à la stature internationale de Genève, lieu de dialogue entre «représentants de groupes d’idéologies divergentes». Passionnée de théologie, Isabelle de Muralt s’avoue pour sa part «terrifiée» par la figure des Réformateurs, et Jean Calvin en particulier. Cette habituée des décors de théâtre a calqué sur un fond de ciel pastel le motif de pierres, les quatre hommes en robe protestante et leur devise, une composition qui a pour effet d’adoucir la sévérité du groupe. Une démarche tout à l’opposé de celle de Cécile Koepfli, qui a tout simplement transformé les théologiens en des monstres terrifiants empruntés à la mythologie contemporaine japonaise. «Ces hommes étaient de grands humanistes peut-être, mais étaient-ils vraiment humains?», s’interroge-t-elle. À sa manière, David Parrat a lui aussi exploré les limites de cet humanisme en se demandant: «Comment réagiraient-ils à notre société contemporaine?» Sa réponse tient à la manière dont les quatre garants d’une stricte morale ont du mal à cacher leur réaction face aux couples qui s’embrassent sous leurs nez…
L’irrévérence à la genevoise
Avec Olga Fabrizio, Calvin, de Bèze, Knox et Farel ont gardé tout leur sérieux, mais pour des raisons bien futiles! Inspirée par l’afflux de touristes prenant le monument en photo, la dessinatrice a fait des quatre hommes des stars du tapis rouge. Sous les acclamations, ils prennent la pose en tenue de grands couturiers: les voici qui ont «cédé aux sirènes de la consommation» et s’affichent parfaitement blasés par leur popularité. Tout aussi frappé par l’austérité du monument, Simon Tschopp a choisi de faire tomber le masque: cette «légendaire retenue des Genevois» se doublerait d’un «fort désir d’organiser des rencontres festives et culturelles en tous genres.» Dans ce dessin finalisé à l’ordinateur, les fiers Réformateurs s’adonnent aux joies d’une partie de pétanque des plus décontractées. Chez Poussin, le détournement va encore plus loin: Calvin, Knox et Farel ont pris les traits des célèbres Pieds nickelés, alias Croquignol, Filochard et Ribouldingue, tandis que de Bèze s’est tout bonnement éclipsé au bistrot! Le mot de la fin revient à Mirjana Farkas, qui illustre les Réformateurs assoupis dans la pierre, avec 36’500 nuits au compteur. Dorment-ils avec la barbe en-dessus ou en-dessous de la couverture? Que lisent-ils vraiment au lit? Quels sont leurs rêves et leurs cauchemars?: «Et si finalement, Post Tenebras Lux ne signifiait pas tout simplement : assez dormi, c’est le matin, les copains!»