Retour sur le Congrès international de numismatique
Le Congrès international de numismatique, qui a lieu tous les six ans, en est cette année à sa 15e édition. Il constitue un événement majeur dans la vie des numismates, en particulier pour les chercheurs et professionnels de musée. Tenu à Taormina du 20 au
25 septembre, il a réuni environ sept-cent-septante participants.
Porté à bout de bras avec un enthousiasme débordant par la présidente du comité organisateur Maria Caccamo Caltabiano – laquelle nous a confié réaliser un rêve d’étudiante –, ce colloque fut très réussi à tout point de vue, sur le plan scientifique comme sur celui des émotions liées à la beauté du site et à la richesse de la Sicile.
La Sicile, un trésor pour les numismates
La Sicile est la terre où la monnaie a atteint le statut de grand art puisqu’on y trouve les rares artistes antiques à avoir signé les coins qu’ils ont gravés. Le Musée de Syracuse vaut dans ce domaine à lui seul le déplacement, comme peuvent en témoigner ceux qui ont choisi de le visiter à la clôture du congrès.

D’autres participants se sont rendus à l’Etna. Pendant le congrès, celui-ci manifesta sa présence en attirant les nuages loin de Taormina, favorisant ainsi un temps délicieux. Dans les entrailles de ce formidable volcan, Vulcain (ou Héphaïstos pour les Grecs) avait logé ses forges où, aidé des Cyclopes, il produisait la foudre de Zeus.
Enfin, il y eut des courageux pour affronter les routes sinueuses du «nombril» de la Sicile. Et ils furent largement récompensés. La Villa de Piazza Armerina est désormais une destination classique, mais les numismates ressentirent l’émotion la plus vive en visitant les ruines et le musée de Morgantina. Située près d’Aidone, dans la province d’Enna, Morgantina marque l’apogée de la numismatique antique. Longtemps demeurées anonymes, les vastes et riches ruines localisées à Sierra Orlando ont retrouvé leur nom après deux mille ans, grâce aux monnaies ici mises au jour. Les débuts du denier romain ont ainsi pu être fixés avec précision à environ 211 av. J.-C., mettant fin à une question parmi les plus débattues par les historiens. La numismatique romaine trouve à Morgantina un ancrage archéologique et historique solide, situé à la base de l’édifice monumental des quelque cent mille types différents produits au cours des sept siècles suivants.
La restitution d’œuvres d’art à leur lieu d’origine
Les visiteurs du Musée ont pu toucher du doigt l’un des problèmes brûlants de l’archéologie de notre époque: la restitution à leur lieu d’origine d’œuvres pillées. Ils y ont vu l’admirable déesse de Morgantina (ou Perséphone), statue cultuelle et en cela quasiment unique, œuvre probable d’un élève de Phidias tombé prisonnier des Syracusains au cours de la malheureuse expédition de Sicile menée par les Athéniens à la fin du Ve siècle av. J.-C.

La déesse est revenue sur son lieu d’origine, à la suite de difficiles et douloureuses tractations avec le J. Paul Getty Museum de Los Angeles. Comme le reconnaissent les conservateurs du musée, au-delà de tout triomphalisme officiel, la sculpture n’est pas de retour en Sicile à la suite d’une décision de justice mais au terme d’un accord. Celui-ci stipule que d’autres œuvres prennent à leur tour le rôle d’otages, afin que la déesse puisse revoir le soleil de «la terre où fleurissent les citronniers». Il faut avouer que pour la statue de Perséphone, déesse périodiquement rendue à sa mère Déméter – la déesse des produits de la terre – et disparaissant aux enfers auprès de son sombre époux lorsque l’été brûle tout sur les bords de la Méditerranée, cette destinée ressemble à une réinterprétation moderne du mythe!
Actuellement, quatorze pièces d’argenterie d’Eupolémos, chefs-d’œuvre de la toreutique hellénistique, sont de l’autre côté de l’océan. Mais la monnaie qui a permis de dater l’enfouissement du trésor à la guerre hannibalique, du temps de la prise de Syracuse par les Romains (213 av. J.-C.), était bien là à attendre les numismates attendris. À côté, les pièces de 100 lires italiennes de 1978 marquent la date à partir de laquelle le sacrilège commis par les pilleurs prit fin. Des témoins qui n’étaient pas les bienvenus au-delà de l’Atlantique…

En sortant du musée, submergé par l’émotion, je fus abordé par un monsieur d’un certain âge. Il me tend un polycopié, en me disant: «5 € per la mappa di Morgantina. Sono l’unico che conosce veramente Morgantina, perché ho scavato con loro»* (l’italique est de nous).
Le prochain congrès aura lieu à Varsovie en 2021, et son président, le professeur Alexandre Bursche, a déjà annoncé un splendide programme de visites. Et l’horizon s’élargit car l’Australie a offert d’organiser le congrès suivant.
*«5 € pour le plan de Morgantina. Je suis le seul à connaître vraiment Morgantina, parce que j’ai fouillé avec eux»
CHer Matteo, contrairement à ton opinion, j’ai beaucoup, beaucoup apprécié ton article avec des phrases épurées et très claires ! Charles