Les femmes dans l’atelier

Les deux derniers siècles ont vu l’élargissement du rôle des femmes dans les arts, notamment en horlogerie.

Lorsque les principales figures féminines des cours européennes d’autrefois (Catherine la Grande, Marie Thérèse d’Autriche, Mesdames de Montespan ou de Maintenon, Princesse Palatine….) sont représentées dans les arts, elles incarnent leur rôle public. Tandis que la plupart de leurs contemporaines, souvent anonymes, sont mises en scène dans leur cadre domestique et privé, assumant leur vocation d’épouse et de mère.

Les deux derniers siècles ont vu l’élargissement du rôle des femmes dans les arts, notamment en horlogerie.

Lorsque les principales figures féminines des cours européennes d’autrefois (Catherine la Grande, Marie Thérèse d’Autriche, Mesdames de Montespan ou de Maintenon, Princesse Palatine….) sont représentées dans les arts, elles incarnent leur rôle public. Tandis que la plupart de leurs contemporaines, souvent anonymes, sont mises en scène dans leur cadre domestique et privé, assumant leur vocation d’épouse et de mère.

Jean-Etienne Liotard (1702-1789), Portrait de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, v. 1747.
Jean-Marc Baud (1828-1907), Portrait de l’impératrice Eugénie, 2e moitié XIXe s.
Wencel Chudy (v. 1744-après 1780), Portrait de Charlotte-Elisabeth de Bavière, princesse palatine, 3e quart XVIIIe s. Peintures sur émail, 16,7 x 12,7 cm; 3,6 x 2,9 cm; 4,9 x 5,67 cm
©MAH, photo : M. Aeschimann, inv. 1885-0001 ; inv. E 0216 ; inv. 1909-0085
Elisabeth-Louise Vigée-Lebrun (1755-1842) et Marie Victoire Lemoine (1754-1820),
Portrait de Madame Jean-Louis Rilliet, née Catherine Huber (1761-1843), v. 1790.
Huile sur toile, 129 x 97 cm ©MAH, photo : Y. Siza, inv. 1926-0059
Louis-André Fabre (1750-1814), La Comtesse de Bourmont et ses enfants, v. 1782.
Gouache et aquarelle sur ivoire, 8,5 x 8,5 cm ©MAH, photo : M. Aeschimann inv. AD 1183

Un constat même rapide permet de confirmer un bilan admis: rares sont les femmes à avoir pu s’affirmer dans d’autres domaines que l’artisanat d’art, et rares sont celles à avoir accédé à une reconnaissance et surtout au statut d’artiste à part entière. Tant d’autres, assimilées à des dilettantes, se fondent parmi les «auteurs inconnus». Pourtant, aux XVIIIe et XIXe siècles, nombreuses sont les femmes à être auteures de toiles, de pastels ou de dessins ainsi que de précieuses miniatures; mais si elles participent activement à la production d’arts appliqués (dentelles, broderie, émaux, horlogerie), elles restent «artisanes».

Hélène Hantz (1877-1963), Iris avec cadre décoratif au motif de libellules, v. 1900
Lithographie en couleur, 975 x 440 mm.
©MAH, photo : A. Longchamp, inv. E 2017-0237

Dans les années 1970, les artistes féminines renouvellent le domaine textile, quittant le dessin d’ornement ou la broderie pour s’exprimer avec la tapisserie. Avec les générations de Sonia Delaunay (1885-1979), Louise Bourgeois (1911-2010) et Nicki de Saint Phalle (1930-2002), elles ouvrent leur horizon créatif et deviennent plasticiennes, photographes, s’emparent du «livre d’artiste» et des nouveaux médias, tels ceux valorisés par Pipilotti Rist (née en 1962).

Si l’apprentissage de la peinture sur émail suscite des hésitations, l’encadrement proposé dans des écoles professionnelles fait fleurir de belles vocations. Enfin, au chapitre de la bijouterie, rien de mieux que la femme créatrice pour valoriser la parure: dans la première moitié du XXe siècle, elles sont nombreuses à apposer leur signature sur des œuvres originales. Aujourd’hui, dans le domaine du bijou d’auteur contemporain, les femmes occupent une place de choix; elles sont même majoritaires au rang des créateurs.

Germaine Glitsch, bijoutière, vers 1940. Archives MAH.
Marthe Leclerc (1880-1973), Autoportrait à l’atelier, v. 1915 Peinture sur émail, 5,6 x 4,3 cm ©MAH, photo : Y. Siza, inv. E 0319

Et dans l’horlogerie?

Au XVIIIe siècle, l’exercice de l’horlogerie est interdit aux femmes jusqu’en 1785 selon les règlements des principales corporations en France et en Angleterre. À Genève, elles peuvent rejoindre en 1690 la maîtrise des horlogers, créée en 1601, en adoptant les petits métiers, telle la fabrication des chaînettes de fusées ou la ciselure des coqs; elles sont aussi finisseuses de vis, d’aiguilles et de charnières. Dès lors, la précision, l’habileté, mais surtout la rapidité des gestes sont leurs atouts.

École d’horlogerie de Genève, 1880.

L’ouverture progressive des parties où les dames sont admises franchit un premier seuil en 1843, lorsque la Ville de Genève crée la première École d’horlogerie pour jeunes filles. Ailleurs en Suisse, les filles restent exclues longtemps des écoles d’horlogerie, à Saint-Imier jusque vers 1910.

Leurs aptitudes les orientent vers le réglage, et l’achevage d’échappements, exercé souvent à domicile. Le travail de la régleuse consiste à s’assurer par des gestes très mesurés que le spiral, virolé à l’axe de balancier, reste plat et rond: de cela dépend la précision de marche de la montre.

Annonce parue dans L’Impartial, 1898

Mais les femmes sont aussi chargées de tâches salissantes et toxiques (polissage et dorage au mercure).

À la fin du XIXe siècle, l’industrie horlogère suisse emploie environ un tiers de femmes dans ses effectifs. Dans les régions horlogères, on considère qu’une bonne mère de famille est une mère qui travaille en fabrique afin d’assurer l’avenir de ses enfants: l’exercice de l’horlogerie permet aux femmes de concilier vie domestique et vie professionnelle.

C’est pourquoi, depuis les années 1920, l’horlogerie suisse emploie autant d’hommes que de femmes dans ses fabriques, qui ne sont pourtant pas mixtes. Il y a des ateliers d’hommes et des ateliers de femmes, ces derniers soumis à l’autorité d’un chef.

Les femmes, main-d’œuvre bon marché payées à la pièce, flexibles et au geste précis, sont recrutées notamment pour l’application des index au radium. Les «radiumineuses» travaillent dans des ateliers, mais sont actives pour la plupart à domicile.

Outils de la régleuse, v.1950
Acier, verre, laiton, rubis ©MAH, photo: A. Halter, inv. AD 4714

Ce taux augmente jusqu’à la fin des années 1960. À cette époque, de belles photographies reflétant l’atmosphère des entreprises horlogères de l’arc jurassien montrent les femmes au travail à l’établi.

Durant les Trente Glorieuses, les entreprises engagent de la main d’œuvre féminine, notamment des ouvrières italiennes. La combinaison de la politique migratoire avec la politique de l’emploi les contraint à travailler en usine, tandis que les jeunes mères de famille suisses sont autorisées à travailler à la maison.

© Ateliers Vacheron Constantin, Vallée de Joux

Toutefois, si la branche est paritaire, elle n’est pas mixte: les métiers masculins et féminins restent souvent spécifiques et définis.

Aujourd’hui, 52% des employés de l’horlogerie sont des femmes. Et quelques noms émergent de l’anonymat du paysage horloger moderne: Veuve Léon Schmidt, Alice Lévy-Blum, Betty Fieter, Simone Bédat, Jasmine Audemars, Caroline Scheufele, Carole Forestier Kasapi, Mélanie Brodard, Jacqueline Dimier, Cinette Robert, Giselle Rufer, Maria Kristina Habring, parmi tant d’autres fées et petites mains anonymes autant qu’indispensables.

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