Les peintres et graveurs des rois sont souvent mis à l’honneur. Pour une fois, nous allons nous attacher aux… rois graveurs! Le Cabinet d’arts graphiques a fait récemment une curieuse découverte dans ses collections: d’intéressantes eaux-fortes réalisées par la reine Victoria du Royaume-Uni (1819-1901) et son mari, le prince Albert von Sachsen-Coburg und Gotha (1819-1861).
En marge de leur fonction, ces monarques se sont adonnés à diverses techniques artistiques. La période entre 1840 et 1844 a été la plus productive et le musée conserve dix-sept estampes de cette époque: sept de chacun d’entre eux et trois qu’ils ont réalisées ensemble.
Comme c’est le cas de beaucoup de jeunes dames d’un certain rang social, la reine montre un réel intérêt pour les arts. Toutefois, si celles-là se contentent souvent du dessin ou de la broderie, la reine Victoria va plus loin dans sa démarche artistique. Elle découvre en effet la gravure avec le peintre royal George Hayter et grave d’après des dessins d’artistes, entre autres ceux d’Edwin Landerseel. Ce dernier lui apprend notamment certains aspects techniques, comme la modification de la planche pour obtenir différents états. Parfois, la reine Victoria se risque à dessiner directement sur la planche. Dès 1846, elle abandonne toutefois cette technique au profit du dessin et de l’aquarelle. Dans son journal intime, elle parle de ses cours et réalise quelques esquisses pour illustrer ses textes.
Les gravures conservées au Cabinet d’arts graphiques sont réalisées à l’eau-forte, d’une manière simple mais soignée et précise. Les sujets représentés sont inspirés du phénomène littéraire typiquement germanique «Sturm und Drang», comme Fiesco de Schiller ou Faust de Goethe. La reine étant une princesse de Hannover et son mari un prince de Sachsen-Coburg-Gotha, on retrouve logiquement l’influence de la littérature allemande dans leurs œuvres. Parmi les autres thèmes abordés: des portraits, des scènes quotidiennes de leurs enfants ou des animaux.
Le prince Albert suit la démarche artistique de sa femme et l’aide dans l’exécution de ses œuvres. Preuve de cette collaboration: Dame en costume médiéval et Homme en costume du XVIIe siècle de 1841. Ces planches sont signées et datées avec les initiales des souverains «A&VR».

La production artistique du prince Albert est plus réduite que celle de son épouse, mais elle reflète une maîtrise des hachures plus marquée et habile, comme on peut le percevoir dans l’estampe Marthe et Marguerite (Faust).

Il trouve son inspiration dans les mêmes thématiques que la reine, ainsi que dans les peintures de la collection royale. La planche de 1841 Deux têtes d’aigle d’après Annibale Carraci est remarquable.

Les gravures conservées au Cabinet d’arts graphiques font partie du fonds ancien de la collection d’estampes. Leur provenance exacte reste encore à déterminer, mais elles sont très probablement issues de la collection du Duc de Brunswick. Ces œuvres sont désormais accessibles sur le site des collections en ligne des Musées d’art et d’histoire.
Une âme de collectionneuse
L’intérêt de la reine pour l’art se traduit également par un agrandissement de la collection royale. Pendant son règne, d’importantes œuvres ont été acquises, comme une collection de peintures anciennes provenant d’Italie et d’Allemagne, le célèbre bijou de Darnley ou des aquarelles de Sandby. Elle commande également des portraits de sa famille et des peintures d’animaux, des sculptures et des photographies.