Une riche collection à découvrir
L’histoire de la collection de papiers peints du Musée d’art et d’histoire, riche de plus de 1100 panneaux, lés, fragments et planches d’impression datant de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle, commence avant même son ouverture en 1910, avec le don à la Société auxiliaire du musée en 1907, par Robert Poncy, de quelques fragments provenant de la maison Ferrier, place du Molard.
Un premier ensemble important de la collection est effectivement constitué de nombreux fragments ou panneaux provenant d’habitations genevoises ou de la région, réhabilitées ou détruites. Les rénovations urbaines des années 1970-1980, en particulier, grâce à la vigilance d’institutions comme la Commission des monuments, de la nature et des sites ou le Service des monuments et des sites de l’État de Genève, ont permis de récupérer de précieux éléments de décor. À travers ces fragments, c’est toute l’histoire du goût que l’on retrace.
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Brève histoire du papier peint
Le papier peint apparaît en Europe au XVIe siècle sous deux formes: les panneaux de papier peints à la main, importés de Chine, qui permettent de décorer de grandes surfaces (cette mode persiste jusqu’au XIXe siècle comme le prouvent des exemplaires conservés au musée, provenant de la collection de Gustave Revilliod (1817-1890)) ; et les papiers dominotés, produits en Europe, feuilles de papiers de petites dimensions, imprimées à l’aide d’une planche en bois gravée en relief et coloriées ensuite au pinceau ou au pochoir, servant à décorer des meubles, des reliures…
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Le papier peint tel que nous le connaissons aujourd’hui découle de la fusion de ces deux traditions. Il apparaît en Angleterre au XVIIIe siècle : des feuilles de papier sont alors collées les unes aux autres pour être imprimées à la planche et former des rouleaux. Parmi les grandes manufactures de papiers peints de l’époque, la manufacture royale de papiers peints de Jean-Baptiste Réveillon (1725-1811), à Paris, est particulièrement célèbre. Ses papiers sont exportés dans toute l’Europe, où ils décorent demeures princières et intérieurs bourgeois. En proviennent certains exemples, parmi les plus beaux de la collection du Musée d’art et d’histoire, qui ornaient des habitations genevoises.*
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Au XIXe siècle, le développement du marché des classes bourgeoises et les progrès de la mécanisation permettent d’accroître la production et de multiplier les effets de décor (invention du papier en continu et de l’impression au cylindre, machines réalisant des effets de gaufrage, de dorure ou imprimant plusieurs dizaines de couleurs en même temps, etc.). Le succès du papier peint ne se dément pas au XXe siècle et est aussi l’occasion de collaboration avec des artistes, auteurs des modèles.
Les similitudes techniques existant entre la production des indiennes (étoffes de coton dont le décor est imprimé en couleurs à la planche) et celle du papier peint expliquent souvent le développement de la seconde dans les régions où la première est bien implantée ; comme en Alsace, à Rixheim, où la célèbre manufacture de papiers peints Zuber se développe, ou à Genève.
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L’exceptionnel fonds de la maison Grandchamp
Le second ensemble de la collection du musée, le plus important sur le plan numérique, provient en effet de la maison Grandchamp, maison de fabrication et de commerce de papier peint fondée en 1818 par M. Mestral. Après avoir cessé toute production dans les années 1830, cette société, sous l’impulsion d’Henri Granchamp et en collaboration avec des artistes contemporains, produit à nouveau des papiers peints à Genève à partir de 1917 selon le procédé traditionnel d’impression à la planche. Ces créations lui valent un prix à l’exposition des Arts décoratifs à Paris en 1925. En parallèle, la maison réédite des papiers peints suisses du XVIIIe siècle.
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En 1955, le fonds de l’entreprise est racheté par la maison Schuler, plus tard par Studio Bach, magasin de décoration installé à Genève. Son propriétaire fit un généreux don au musée en 2016, au moment où l’établissement fermait ses portes. Complété par une acquisition importante auprès de la maison Schuler dans les années 1980, ce fonds conséquent de planches d’impression et de rouleaux de papiers peints genevois, offre un panorama complet de la production de cette entreprise.
Papier peint panoramique
Enfin, tout récemment, le Musée d’art et d’histoire a fait l’acquisition d’un papier peint panoramique du XIXe siècle. Il représente le lac Léman vu depuis la demeure du naturaliste et philosophe Charles Bonnet (1720-1793) à Genthod. Il s’inspire d’une gravure de Simon Malgo (1745-1793), peintre danois, dessinée et gravée à l’eau-forte en 1780, intitulée Seconde vue des environs du lac Léman du côté nord. Prise de la demeure de M. C. Bonnet à Gentod à une lieue au nord de Genève dont deux exemplaires, l’un en noir et blanc, l’autre colorié, sont conservés au Centre d’iconographie genevoise (inv. 01M 02 02 et 01M 02).
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Les premiers papiers peints panoramiques, dont les différents lés assemblés reproduisent un vaste paysage, apparaissent en France au tout début du XIXe siècle et rencontrent un immense succès. La manufacture Zuber, qui réalise le premier papier peint panoramique « Les vues de Suisse » en 1804 est particulièrement renommée pour la qualité et l’importance de ses panoramas. Un exemple de papier peint panoramique encore en place, « L’Eldorado », peut être admiré en Suisse au château de Mézières, musée du papier peint. À ce jour, la manufacture où a été produit le papier peint acquis par le MAH est inconnue et de premières recherches laissent penser qu’il est exceptionnel par sa rareté, aucun équivalent n’ayant encore été trouvé ; l’étude approfondie de cette œuvre s’annonce donc passionnante.
* Voir article Genava, Numéro 62, page 77: Du Faubourg Saint-Antoine aux Rues-Basses par Gaël Bonzon et Gabriella Lini