Une « bande dessinée » à l’origine de l’exposition du MAH
L’idée de l’exposition Châteaux forts et chevaliers – Genève et la Savoie au XIVe siècle est née d’une opportunité qui ne se représentera plus avant longtemps. La fermeture et la rénovation du Musée savoisien à Chambéry a rendu possible le prêt de l’un des premiers cycles peints médiévaux d’édifices civils en France: les peintures murales du château de Cruet près de Chambéry, datées du début du XIVe siècle.
Ce cycle narratif, exceptionnel dans la région et plus largement pour l’histoire de la peinture murale profane, pouvait donc être exposé au Musée d’art et d’histoire de Genève! Il fallait tout faire pour saisir cette chance et montrer au public la richesse artistique de cette période méconnue de la Savoie médiévale. Cruet est en effet le contemporain d’un autre ensemble que les Genevois connaissent bien, les têtes sculptées de la Maison Tavel – il s’agit dans les deux cas de décors à thème profane. Dans les peintures murales de Cruet, une chasse à courre, un adoubement, un siège de ville, des combats singuliers et un banquet se succèdent dans les scènes épiques. La vie des chevaliers du Moyen Âge, réelle ou idéalisée, se déploient ainsi sous nos yeux.

Un cycle de peintures exceptionnel
Cet ensemble de peintures est exceptionnel pour au moins trois raisons. La première est sa rareté et son remarquable état de conservation. La deuxième est la richesse de son iconographie. On doit en effet au comte de Savoie Amédée V et à la comtesse Marie de Brabant, qu’il épouse en 1296, une politique encourageant la littérature épique et la diffusion d’une nouvelle imagerie chevaleresque. La troisième raison est liée à une découverte scientifique récente. L’historien de l’art Térence Le Deschault de Monredon a identifié la source littéraire qui a inspiré ce cycle: la chanson de geste intitulée Girart de Vienne.¹
Une vaste sélection de prêts
L’exposition met en relation les scènes peintes avec des œuvres datant, dans leur grande majorité, du XIVe siècle et provenant de la même région, vaste territoire dominé alors principalement par les comtes de Genève et les comtes de Savoie. Armes et armures, manuscrits enluminés, sculptures, textiles et objets précieux évoquent ainsi les moments forts de la vie de chevalier.

Figure de chevalier (le comte de Bretagne). Enluminure : Maître du Psautier de Bute
Flandre ou nord de la France Haut. 23 x larg. 18 cm Manuscrit L. III. 8, bloc 5/c. 11v
© Biblioteca Nazionale Universitaria di Torino
Rassemblant des prêts provenant de musées suisses, français et italiens ainsi que des pièces du Musée d’art et d’histoire de Genève, cette sélection permet de comprendre l’importance de la chevalerie et la floraison des arts et de l’artisanat qui leur est liée.
Le château de Rouelbeau
Châteaux forts et chevaliers évoque également le cadre dans lequel se déroule la vie du chevalier: le château. L’occasion de mettre en valeur les progrès que la recherche historique et archéologique ont accompli ces dernières années. Le château permet de confronter l’idéal avec la réalité telle qu’elle apparaît à l’examen des vestiges et des sources. Pour la région de Genève et de la Savoie, la fin du XIIIe et la première moitié du XIVe siècle sont une période particulièrement troublée du point de vue politique.

Modélisation 3D © on-situ | Genève, Service cantonal d’archéologie, 2016
Les travaux des chercheurs ont montré que nombre d’anciens châteaux forts sont alors remaniés et de nouveaux érigés. L’exemple du château de Rouelbeau près de Meinier, récemment fouillé par le Service cantonal d’archéologie de Genève, montre particulièrement bien avec quelle rapidité un château pouvait être construit, puis transformé et finalement abandonné. Les restitutions numériques traduisent l’évolution de ce château à travers le temps.