Quand une classe de 4 P explore les techniques de la gravure sur bois

Au cœur du musée

L’exposition des xylogravures de Matthias Mansen au Cabinet d’arts graphiques offre une occasion rêvée d’approfondir la découverte du bois tout en s’intéressant à la technique de la gravure sur ce matériau.

Depuis 2010, les élèves de l’école Hugo-de-Senger, située dans le quartier de Plainpalais, ont la chance de suivre un parcours d’éveil culturel au Musée d’art et d’histoire de Genève. L’objectif est double: leur faire découvrir le musée et ses objets et leur donner l’envie de pousser les portes de différents lieux de culture sans appréhension et avec plaisir.
Cette année, le thème retenu est la découverte des matériaux et des techniques de l’art. Dans un premier temps au musée; puis à travers la réalisation d’un travail personnel qui sera montré au public.

L’exposition des xylogravures de Matthias Mansen au Cabinet d’arts graphiques offre une occasion rêvée d’approfondir la découverte du bois tout en s’intéressant à la technique de la gravure sur ce matériau.

Au cœur du musée

La démarche débute lors d’une visite au Musée d’art et d’histoire: les enfants de 3P à 8P ont observé l’utilisation du bois à différentes époques et dans différents arts, notamment dans les arts appliqués. Parallèlement, ils se sont essayés à diverses techniques autour du bois avec leur maître-spécialiste en arts plastiques. L’objectif: permettre aux élèves d’appréhender les multiples traitements possibles du bois – dur ou tendre – par les artistes et artisans selon les époques et les spécialités artistiques et ainsi mieux comprendre la place de ce matériau dans la gravure.

Accompagnés d’une médiatrice culturelle, les élèves se rendent ensuite dans l’exposition consacrée à Matthias Mansen, graveur allemand né à Berlin dans les années 50. La technique qu’il utilise, la xylogravure, est une technique ancienne, mais qui est loin d’être figée. L’actualité de son œuvre le prouve!

Première découverte pour les enfants: en observant deux matrices en bois, ils constatent que la matière peut être creusée, gravée, griffée… Encore imprégnées de bleu, placées face aux œuvres réalisées, les matrices renvoient à la question suivante: comment passe-t-on de ces matrices – simples planches en bois récupérées par le graveur – à ces grands papiers épais imprimés en noir et blanc ou en couleur?

En compagnie de la médiatrice, les élèves cherchent des traces des planches en bois gravées sur les estampes. Ces premières observations vont s’additionner au fil des salles, permettant ainsi de décrire le processus qui mène du geste du xylographe sur le bois à l’impression manuelle de l’estampe selon une technique bien particulière. Pour Matthias Mansen, toutes les étapes sont parties intégrales de l’œuvre, y compris la succession complexe des reprises sur les matrices.

Comprendre le principe du «positif» et du «négatif»

Les estampes en noir et blanc ou en camaïeux de gris situées dans la première salle de l’exposition permettent de montrer aux enfants comment, dans ce type de gravure, l’encre est retenue par les parties en relief de la matrice. Les parties en creux, ou gravées, apparaîtront en blanc – si le papier est blanc –, en gris – si le papier est gris– et ainsi de suite, car il n’y a pas d’encre déposée sur le papier à cet endroit. Une série de portraits imprimés sur papier gris illustre ce phénomène. Il s’agit des Lebensalter (köpfe), xylographies en deux couleurs (noir et blanc), où l’on peut observer la teinte subtile du papier, notamment sur les bords.

Etude attentive des élèves de l’école Hugo-de-Senger dans l’exposition Matthias Mansen du Cabinet d’arts graphiques

Dans l’estampe crée en 1994, Gehen, les enfants peuvent facilement repérer les six parties de ce personnage en marche et comprendre ainsi l’articulation des différentes matrices en observant les traces laissées par le veinage des planches.

Face à cette œuvre et à l’aide de plus petites matrices laissées par l’artiste à la disposition du musée, les enfants appréhendent également le principe de «positif» et de «négatif». Dans le cas du travail de Matthias Mansen, on peut expliquer que c’est un principe de «lumière» et d’«ombre» que l’artiste manipule. En effet, sa démarche consiste à creuser le bois pour produire de la lumière au moment de l’impression, comme le souligne cette citation de l’artiste: «Je ne grave pas des lignes, je grave de la lumière.» Berlin, Potsdamerstrasse, créée en 2012, illustre cette utilisation lumineuse du blanc ou plutôt du noir par rapport au blanc.

Découvrir les estampes aux couleurs multiples et aborder la complexité des étapes du travail

Les salles qui suivent présentent des estampes colorées dans des tons subtils, où l’enchevêtrement des matrices est plus complexe. Il s’agit alors de montrer que plus il y a de couleurs, plus l’imbrication des matrices et les étapes d’impression sont difficiles à déchiffrer. Les enfants recherchent des indices prouvant que Matthias Mansen a utilisé plusieurs matrices pour un même travail, ou qu’il a retravaillé une même matrice à plusieurs reprises. Une tâche difficile de détective, parfois même pour un public averti. Car l’artiste semble s’amuser à perdre les visiteurs dans les différentes étapes qui ont mené à l’œuvre exposée.

Devant les quatre estampes de Rencontre (1991), qui se prêtent bien à raconter une histoire, les enfants imaginent chacun un petit scénario pour les personnages de ces panneaux quasi «cinématographiques».

Comprendre le processus d’impression

Cette étape du travail est la plus difficile à expliquer sans démonstration concrète dans l’exposition. La médiatrice suggère alors aux enfants d’imaginer l’encre qui se dépose seulement à certains endroits sur la matrice et de se rappeler comment ils ont déjà procédé avec des tampons lors d’activités en classe. Matthias Mansen, lui, presse l’un contre l’autre matrice en bois et papier à l’aide du baren, un outil d’origine japonais. Il n’utilise pas une presse mécanique, mais effectue cette étape importante à la main. Sorte de gros tampon composé d’un disque servant d’empreinte, le baren est recouvert d’une feuille de bambou. L’impression manuelle se fait par frottement sur le support enduit de couleur.

Le baren, instrument utilisé par Matthias Mansen

De l’exposition à la pratique

Mais la découverte de ces techniques ne s’arrête pas là. Les enfants pourront s’essayer concrètement à la gravure ou voir opérer la magie de l’impression lors d’ateliers de mise en pratique au Centre genevois de la gravure (GeGrave, route de Malagnou) et dans l’exposition consacrée à l’œuvre de Roger Pfund, au printemps 2013 au Musée d’art et d’histoire. Là, le taille-doucier et imprimeur d’art Raymond Meyer leur fera une démonstration de l’utilisation d’une presse ancienne. Ainsi pourront-ils comparer deux arts de l’impression qui mènent aux estampes.

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