Une pièce maîtresse de retour dans les collections du MAH
Le Musée d’art et d’histoire a le plaisir d’annoncer le retour au bercail de l’une des pièces phares de sa collection d’horlogerie, la tabatière offerte en 1815 au colonel Louis de Sonnenberg. Acquise en 1979 pour le Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie, cette œuvre aussi précieuse que symbolique y avait été dérobée en 2002. Elle est présentée au public sur le péristyle des Beaux-Arts depuis le 20 novembre.
En 1815, le colonel Louis de Sonnenberg (1782-1850) reçoit des dames de la Bourgeoisie genevoise une tabatière émaillée à musique en remerciement pour son rôle dans la prévention de l’incursion des troupes napoléoniennes sur le territoire genevois. Demeuré dans sa famille, à Lucerne, le précieux objet a rejoint les collections du Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie en 1979.
Dérobée lors du cambriolage du musée le 24 novembre 2002, la tabatière a été signalée et localisée en Italie, avec l’aide d’experts britanniques familiers des collections genevoises. Identifiée et authentifiée par la Brigade des cambriolages de la police judiciaire de Genève, la pièce a réintégré le MAH en octobre 2018 après quinze ans d’errance.
Objet emblématique d’une grande valeur historique, technique et esthétique, la tabatière est, avec une somptueuse montre chinoise «La Jonque» signée Bovet du début XIXe siècle et une boîte de montre en cristal de roche du XVIIe siècle, la troisième œuvre, et la plus importante, à refaire surface sur les cent-septante-quatre objets disparus en 2002.
Un souvenir historique
Lorsque Napoléon s’évade de l’île d’Elbe en mars 1815, son intention est de traverser l’Europe afin de reconquérir ses territoires perdus. Genève organise une brigade de défense, composée de troupes genevoises et suisses, placée sous le commandement d’un militaire fédéral. Le colonel Louis de Sonnenberg est désigné le 23 avril 1815: sa tactique adopte une posture défensive et le maintien d’une constante vigilance, rigoureuse et exigeante.
Le 19 mai 1815, le canton de Genève, allié historique des Suisses, entre dans la Confédération. Sonnenberg contribue à l’unification des troupes en emportant l’adhésion et le respect de tous. Le 22 juin, Napoléon abdique. Sonnenberg reste dans la cité de Calvin jusqu’en octobre, avant de poursuivre sa carrière militaire et politique à Naples et à Lucerne.
Un souvenir intime
Avant son départ, des fêtes sont organisées en son honneur. Le Conseil d’Etat lui offre une épée à poignée d’or et un ceinturon. Les dames de la Bourgeoisie de Genève décident de lui remettre un objet précieux, un souvenir à caractère intime. Elles choisissent une tabatière à musique émaillée, réalisée par les plus fameux artisans de la Fabrique: Remond Lamy, Mercier & Cie, orfèvres, associés aux émailleurs Jean Louis Richter & Aimé Julien Troll.
Sur le couvercle, une scène peinte en émail illustre la cité, dominée par la silhouette de la cathédrale, le lac à ses pieds, ainsi que le Mont Blanc, soulignant les lignes du Salève et du Môle. Deux cavaliers observent cette vue paisible; on peut imaginer le colonel de Sonneberg et son chef d’état-major, Auguste Bontems, veillant sur le territoire qui leur est confié. Sous la scène peinte a été gravée la dédicace des dames genevoises: «Vous l’avez préservée».
Outre le luxe de ses décors, la boîte en or est une merveille de technique : elle abrite un mécanisme à musique jouant deux airs traditionnels: Le Ranz des Vaches et Enfants de Tell soyez les bienvenus, chant patriotique créé en l’honneur de l’arrivée des troupes confédérées à Genève en juin 1814.
Pour marquer son retour au MAH, la tabatière sera exposée temporairement aux côtés d’une boîte de montre octogonale en cristal de roche fabriquée à Genève au XVIIe siècle, dérobée en même temps et retrouvée elle aussi en Italie en 2009.
Une reconstitution nécessaire
De telles retrouvailles viennent ponctuer et encourager l’effort soutenu dès 2003 pour la reconstitution de la collection, tronquée par le vol de 2002: outre les dons et les acquisitions qui remplacent les œuvres volées par des pièces similaires, les démarches engagées avec le soutien du Conseil administratif, pour le retour des œuvres saisies, s’appuient sur le principe de l’inaliénabilité des collections publiques. Elles répondent aussi à la mission de médiation inhérente au musée, en permettant de présenter aux yeux du public les chefs-d’œuvre de son patrimoine collectif.
Les trois œuvres retrouvées depuis le cambriolage du Musée de l’horlogerie et de l’émaillerie en 2002
1. Tabatière dite «de Sonnenberg»
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2. Montre de poche, dite « chinoise »
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Réapparue sur le marché de l’art à Londres en 2004, cette montre émaillée dite «chinoise», signée Bovet, est identifiée puis saisie afin de retrouver sa place dans les collections genevoises en 2007. Dès 2011, elle figure à l’exposition organisée au Musée Rath L’Horlogerie à Genève. Magie des métiers, trésors d’or et d’émail, avant de prendre, durant le printemps 2015, le chemin de la Chine, où elle est présentée à l’exposition Geneva at the heart of time, coproduite par le MAH et le Patrimoine Vacheron Constantin, au Capital Museum de Beijing.
3. Boîte de montre
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Cristal de roche, laiton doré et gravé, 5,1 x 2,9 cm, Ép. 2.8 cm
©MAH, photo: F. Bevilacqua, inv. N552ter (œuvre dérobée en 2002, de retour au MAH en 2018)
La commission rogatoire engagée par le Ministère public genevois pour la saisie de la tabatière de Sonnenberg dès le printemps 2017 a également permis d’entériner le retour de cette boîte de montre en cristal de roche. Saisie à Milan en 2009, rapatriée à Genève par la Brigade des cambriolages de la police judiciaire en 2011, elle a fait son retour au MAH en octobre 2018.