Un médaillier à l’histoire et la remise en état complexes

Histoire

Le Musée d’art et d’histoire (MAH) conserve un meuble destiné à contenir des collections de médailles. Jusqu’à 4764 pièces! Fortement endommagé, il a été confié l’an dernier à l’atelier de restauration du mobilier du musée. Or l’étude de cet objet a réservé bien des surprises: son histoire est étonnante, un vrai vaudeville genevois, et les problématiques de restauration particulièrement compliquées.

Le Musée d’art et d’histoire (MAH) conserve un meuble destiné à contenir des collections de médailles. Jusqu’à 4764 pièces! Fortement endommagé, il a été confié l’an dernier à l’atelier de restauration du mobilier du musée. Or l’étude de cet objet a réservé bien des surprises: son histoire est étonnante, un vrai vaudeville genevois, et les problématiques de restauration particulièrement compliquées.

Histoire

Ce médaillier a suivi l’évolution des collections publiques de Genève dès le début du XVIIIe siècle. Il arrive au Cabinet de curiosités de la Bibliothèque publique en 1709, puis est transféré au Musée académique en 1825 avant de rejoindre le Musée archéologique en 1873. En 1910, lors de la création du musée, il est légué au MAH. La mise à jour de ce parcours a été rendue possible grâce à une plaquette en laiton trouvée à l’intérieur du meuble.

Plaquette en laiton trouvée à l’intérieur du meuble

Un travail de recherche dans les archives de l’actuelle Bibliothèque de Genève a ensuite permis de trouver des informations plus détaillées, notamment sur son arrivée à Genève en 1709. Le texte ci-dessous, daté du 18 mars 1709, l’explique en partie.

«Sur la lecture du Registre de la séance précédente, qui porte qu’on ne peut pas se servir du cabinet dont M. Franconis a fait part à la Bibliothèque, pour y mettre des Médailles, il a été dit que M. De Chapeau rouge devant aller bientôt à Paris, il sera prié lorsqu’il y sera, de voir si l’on pourrait avoir, par quelque occasion, un Médailler qui convienne à cette Bibliothèque; ou si cette occasion ne se rencontre pas, si l’on en pourra faire faire un à un juste prix, dont il conférera avec M. le Recteur.»
Photo MAH, Arch. BPU, Ac1, p.60 Registre des Assemblées de Mefs. Les Directeurs de la Bibliothèque, oct 1702 – déc 1733

D’autres textes attestent que M. De Chapeau rouge trouvera un médaillier et que, malgré son prix élevé, il demandera des améliorations sur place, à Paris. Car entre-temps, M. Bouthilier de Beaumont, négociant français mais désireux de devenir bourgeois de Genève, offrira de régler tous les coûts et de faire cadeau du meuble à la Bibliothèque, probablement pour montrer sa bonne volonté. Une fois à Genève, le meuble subira encore des transformations au cours du XVIIIe siècle, notamment pour l’agrandir et changer son aménagement intérieur.

Ces archives sont d’une importance majeure pour l’authentification et la datation des différentes parties du meuble. Elles sont au nombre de quatre: le socle à roulettes, les corps du bas avec 45 tirettes intérieures et une porte, le corps intermédiaire décoré de marqueterie de laiton et d’ébène (type Boulle) avec six tirettes intérieures, et la partie supérieure faite de 21 tirettes en pyramide surmontées d’une statue en bronze. Les détails trouvés dans les textes peuvent être comparés avec les éléments techniques révélés durant la restauration, tels que traces d’outils, matériaux utilisés, modes d’assemblage. Ceci permet notamment de différencier les parties françaises des transformations genevoises.

La restauration

L’état de conservation du médaillier est déplorable car le meuble se trouvait en dépôt au Palais Wilson lorsque celui-ci brûla en 1987. De gros dégâts ont été provoqués par la chaleur et par l’eau. Ils sont de plusieurs ordres: changements de dimensions des parties en bois avec gauchissements et cintrages, fentes, décollements généralisés, pertes de pièces (bois et laiton), surfaces abîmées.

Le médaillier en 1986, avant l’incendie du Palais Wilson. Les tirettes en pyramide s’ouvrent latéralement de manière alternée.
Les tirettes supérieures en 2012. La déformation des structures en bois ne permet plus le coulissement des tirettes. Les moulures en laiton et en ébène sont soit décollées soit perdues.

Les travaux de restauration ont commencé en 2012 et sont en cours. Les solutions à apporter sont compliquées et concernent des matériaux très divers: bois, métal, cuir, papier, textile.

1.    Placage

Le placage du côté gauche du corps inférieur se décolle, gondole. Une grande fente se trouve au milieu du panneau. Le vernis noir est très endommagé.
Le placage a donc été décollé, remis à plat, ajusté puis recollé.

2.    Marqueterie

Sur le corps intermédiaire, la marqueterie de laiton se décolle et n’entre plus dans ses logements à cause d’un rétrécissement du support en bois. Le placage d’ébène se soulève.
Les pièces en laiton ont alors dû être ajustées pour se repositionner dans leurs logements, les pièces de laiton ou d’ébène qui n’adhéraient plus ont été recollées.

3 Tirettes

La tirette n°4 du corps inférieur est fortement cintrée et ne peut plus entrer dans le meuble. L’aménagement intérieur de la tirette est fait d’un papier marbré, surmonté d’un carton ajouré recouvert de papier décoré de motifs dorés. Il est en partie responsable du cintrage, car il ne s’est pas rétracté de la même manière que le bois lors du séchage de l’œuvre après l’incendie.
Lors de la restauration, la tirette a été décintrée. Les traverses et le carton ont été décollés, puis la tirette a été soumise durant trois jours à une atmosphère à 95% d’humidité pour dilater le bois. L’ensemble a ensuite été mis sous presse pendant quelques semaines pour le séchage. Sur cette image, il reste à recoller la face et les traverses.

Les différentes problématiques de cette restauration incitent à trouver des solutions inhabituelles et enrichissantes. Des collaborations avec des conservateurs-restaurateurs extérieurs aux MAH sont organisées afin de partager les expériences et de réduire la durée des travaux, qui, pour la partie extérieure du meuble, se termineront fin 2014.

Une conférence concernant la restauration de ce meuble sera donnée par Pierre Boesiger le 28 novembre 2014 dans le cadre de la journée thématique « Dans les coulisses du musée: la conservation – restauration ». Programme détaillé et inscriptions sur www.mah-geneve.ch, dès le 1er novembre.

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