Vidéo. Des œuvres emblématiques de femmes artistes

Des œuvres du Fmac au Musée d’art et d’histoire

GIRLS est une programmation de vidéos d’artistes femmes provenant de la collection du Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève (Fmac) et présentées en trois séries distinctes, depuis le 15 avril et jusqu’au 4 janvier prochain.

Des œuvres du Fmac au Musée d’art et d’histoire

GIRLS est une programmation de vidéos d’artistes femmes provenant de la collection du Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève (Fmac) et présentées en trois séries distinctes, depuis le 15 avril et jusqu’au 4 janvier prochain.

Les œuvres proposées dans les salles beaux-arts consacrées au XXe siècle du Musée d’art et d’histoire sont des réalisations emblématiques. Elles couvrent trois décennies, des années 1970 aux années 1990. Chaque décennie a été envisagée séparément. Actuellement les œuvres de Sylvie Fleury, Tracy Moffet et Saddie Benning, sont visibles, composant la troisième série de cette programmation.

Les débuts de la vidéo – les années 1970

Dès l’arrivée sur le marché de la première caméra vidéo portative, en 1968, les femmes s’emparent de ce médium et jouent un rôle important dans son développement. Elles se tournent vers cette nouvelle façon de créer des images, car elle n’est pas encore l’apanage des hommes. En France, des collectifs de femmes utilisent la vidéo comme moyen d’émancipation, d’autoreprésentation et de sensibilisation.

Dans leurs films, les réalisatrices traitent de sujets tels que les conditions de travail des ouvrières, la sexualité féminine, l’homosexualité, l’avortement, la violence domestique, le viol ou la prostitution. La vidéo leur offre une alternative, plus égalitaire, aux médias officiels, en particulier la télévision.

Cette dernière devient d’ailleurs une cible de choix pour la production d’œuvres critiques, comme les films de Carole Roussopoulos (Lausanne, 1945 – Sion, 2009) montrés dans la première partie de la série (15 avril -15 juin 2014) consacrée à deux pionnières de la vidéo.
La seconde artiste présentée, Steina Vasulka (* 1940 Reykjavik), violoniste de formation, s’empara également de la vidéo au début des années 1970. Dans Violin Power (1970-78), elle utilise le retour direct de l’image et du son, une des caractéristiques la plus emblématique du médium vidéo, pour produire une performance où musique et image sont intimement liés.

L’influence de la télévision – les années 1980

La création en 1981 de la chaine télévisée américaine MTV, entièrement consacrée à ses débuts aux vidéo-clips musicaux, va influencer le travail des artistes. Les trois vidéos de Pipilotti Rist (*1962 Grabs, Saint-Gall) présentées dans la deuxième partie de GIRLS (5 août – 19 octobre 2014) ont toutes pour base un morceau célèbre de musique pop. Dans You Called Me Jacky (1990), Rist reprend en play-back une chanson interprétée par le musicien et compositeur Kevin Coyne (Jackie and Edna, 1973). À la voix distinctive et androgyne de Coyne s’ajoute la silhouette de Rist, d’abord en tenue masculine faisant semblant de jouer de la guitare, puis arborant un look rappelant celui de Madonna à la même époque. En incrustation, des images anodines pour la plupart filmées depuis un train ou une voiture en marche accompagnent le déroulement de la chanson. Cette œuvre oppose à la production sophistiquée des clips commerciaux un aspect do-it-yourself. En même temps, Rist parodie les débordements émotionnels des vidéos musicales en adoptant une gestuelle parfois à la limite du grotesque.

Les 30 Second Spots de l’artiste américaine Joan Logue (*1942 McKeesport, Pennsylvanie, USA), également montrés dans cette seconde partie, s’inspirent eux de la publicité télévisuelle en proposant de très courtes vidéos mettant en scène des artistes (peintres, photographes, écrivains, compositeurs, danseurs ou performeurs) américains et français.

Un certain voyeurisme – les années 1990

La dernière partie de la programmation (21 octobre 2014 – 4 janvier 2015) est consacrée aux années 1990 et réuni trois artistes: Sylvie Fleury (* 1961 Genève), Tracey Moffat (*1960 Brisbane, Australie) et Sadie Benning (*1973 Milwaukee, Wisconsin, USA). Cette dernière commence à réaliser des vidéos à l’âge de 15 ans grâce à une caméra-jouet, la Fisher-Price PXL-2000, que lui offre son père, le cinéaste expérimental James Benning. Elle utilise ce médium pour créer un journal intime dans lequel elle documente ses questionnements d’adolescente, en particulier la découverte de son homosexualité. Tournées en majorité dans sa chambre de jeune fille, ses vidéos ont une esthétique particulière due aux limites techniques de son matériel: l’image noir et blanc est granuleuse, parfois floue et souvent déformée. De la musique d’ambiance, une sélection de morceaux pop, sert de bande-son, renforçant l’atmosphère intimiste. Avec ses vidéos très personnelles, Benning préfigure, avec 15 ans d’avance, la création de YouTube.

Un certain point de vue voyeuriste unit les œuvres présentées dans cette troisième séance. Dans Current Issues (1995) de Sylvie Fleury, une femme installée sur une chaise longue au bord d’une piscine est filmée de dos alors qu’elle feuillette des magazines féminins. Les spectateurs, regardant littéralement par-dessus son épaule, voient défiler différents articles et images de mode au rythme des pages qui se tournent. Comme dans ses premières œuvres, des shopping bags remplis de vêtements de marque assemblés et exposés selon les codes de la sculpture minimaliste, Fleury mixe dans cette vidéo le monde de la mode et celui de l’art.

Heaven est probablement le film le plus célèbre de Tracy Moffat. Munie d’une caméra vidéo amateur, l’artiste capture ses sujets – des surfeurs australiens enfilant ou retirant leurs combinaisons – sur le mode du reportage animalier. Filmant d’abord de loin, à la manière d’un voyeur, Moffat s’approche ensuite des jeunes hommes provocant ainsi des rencontres inconfortables. En plus des images dont elle est l’auteur, Moffat a intégrés à son film des séquences tournées par d’autres femmes à qui elle a proposé de s’emparer de la caméra, soulignant ainsi le thème principal de sa vidéo : le regard féminin.

Tracey Moffatt, Heaven, 1997.  Collection Fonds d'art contemporain de la Ville de Genève (FMAC) © Tracey Moffatt
Tracey Moffatt, Heaven, 1997.
Collection Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève (FMAC) © Tracey Moffatt

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